Mille pas dans le jardin font aussi le tour du monde
MILLE PAS DANS LE JARDIN FONT..
25 août 2005
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Résumé
D’un mot, d’un mondeJe pèse dans un mot le poids du monde.Gatien Lapointe[…] dans des choses très diverses quelque rapport commun par lequel elles s’unissent.Giambattista Vico Qu’existe-t-il d’aussi banal qu’un casier, la chose, sinon le mot ? Mais qu’existe-t-il d’aussi simple et d’aussi dense que l’eau, la chose et le mot ? Et une main, d’aussi éclairant ? Et un mot ? Tous les mots conjuguent le monde en chaque langue. Ils demandent à cette lueur d’être mis en fête, ils demandent aussi que le monde soit aimé. Leur usage, quand il est sagace, exige que cet amour soit de vérité. Reconnaître le monde, le porter, en être porté, dire ce qui est tu, dire ce qui crie, voir ce qui est caché, le montrer, lors même, lors surtout, que l’ombre des pouvoirs interdit d’en diffuser l’éclat. Dire aussi le tendre, dire le divers. Et pour le dire, accepter de soumettre la parole à l’exigence de cet autre singulier, de ces multiples autres singuliers qui ne sont pas cette parole, qui ne lui appartiennent pas, qu’elle doit écouter, dont elle doit tout apprendre. Alors elle-même se rendre diverse, pour se trouver elle-même. Et s’unifier en s’unissant au divers par les vocables du divers. Alors ahaner, balbutier, bégayer, si cela vient à l’exigence, casser, plier, trouver le fer et la sève, alors apprendre, si cela vient à la parole, alors parler selon l’unité du divers – et c’est toujours alors une beauté nouvelle. Ce le devient. Ne le devient pourtant qu’à oser dire, quand dire c’est aller là même où advient ce qu’il faut dire, empêchant autrement toute beauté qui est une construction, tout avènement.La construction qui advient accepte le chêne et le clou, un sou sur le trottoir, une paresse à l’étage, un édredon trempé d’amour, un peigne oublié, l’excavation d’un morceau de ciel quand des bombes tombent, un bras penché sur le cou, une mémoire de guerre, le souci d’une amie, l’attente d’un repos, un mot, un seul mot, le divers, aussi le désaccordé : un mot, un seul mot, et la phrase ou le verset l’accordent autrement à l’autre jour qui vient, demain sera venu.Une unité, peut-être. Mais il n’y a d’unité que du divers. Un mais plusieurs. Le un est un multiple. Le rire et le jeu, le grave et l’atterrant, l’ironique lucide mais le tendre pourtant, le fabulaire – à le conter comme aux enfants – et le merveilleux, mais le terrible réel, un couperet. Une unité, oui, mais de divers chants, modes, coupures, captures, présences, guets. Une fable, parfois. Même un refrain. Une nomenclature, mais étrange, et qui comporte ses usages, d’autres angles, ses prises, ses contrastes. L’unité n’est pas un fantôme ou une prière, ne s’évanouit pas dans ce qui l’étouffe. L’unité fomente l’opposé. Elle est gourmande, elle est un foisonnement, elle mange, elle invente ce qu’elle devient.On trouverait de tout par le voyage. De tout, dites-vous ? Il s’agit d’un voyage. Celui qui voyage, pourtant, ne trouve pas tout. Le voyage est l’ennemi du tout, est l’ennemi de tout, car « tout » n’est que l’idée de l’attendu. Celui qui va accède à l’inattendu, et l’inattendu devient familier. L’inattendu est singulier – une eau, une rue, une main, un ciel. Le voyage trouve des inattendus qui sont familiers, des inattendus qui sont singuliers, des singuliers solidaires façonnant quelque ensemble, alors un monde. Celui qui voyage sinue le long d’un monde, y entre.Le divers est né hier et vient aujourd’hui, il naît aujourd’hui et vient demain, il n’est pas né, demain encore sera la première feuille. Le divers ne meurt pas, il est un projet, et le projet du divers est inachevable. Le livre ne l’est pas, il n’est que la ponctuation du projet. Un battement, une attente : il faut le battement.